LE DERNIER MERCENAIRE - Interview de Jean Claude Van Damme

06/07/2021 16:53

Quel souvenir global gardez-vous de l’aventure de ce film ?

Je dirais que c’est un film qui a été assez difficile et excitant à faire. Un long tournage d’une cinquantaine de jours avec un bon scénario et un beau budget... Vous savez, il m’arrive de faire des films en 25 jours ! J’ai aussi eu la chance d’avoir pour partenaires des actrices et des acteurs formidables, de toutes générations. Je tiens également à dire que j’ai été impressionné par la qualité de l’équipe technique Ukrainienne et Française, le soin apporté à la photographie, au réglage des cascades ou des poursuites. J’ai eu le sentiment d’être entouré, protégé, de faire partie d’une sorte de famille où les rapports humains étaient importants... Pour la petite histoire, j’ai dû me remettre un peu au français et, pour cela aussi, David CHARHON le réalisateur m’a aidé et rassuré !« LE DERNIER MERCENAIRE » est un film d’action et d’aventure bourré d’humour.

 

 C’est un genre qui vous plait ? 

Mon père m’avait prédit : « Si un jour tu as l’occasion de pouvoir tourner une « comédie aventure » à la JEAN PAUL BELMONDO, destinée au marché mondial, je suis certain que cela t’apportera beaucoup »... Ce film est une production NETFLIX qui va en effet sortir dans le monde entier au même moment et qui permet de me voir aborder tous ces genres-là... Belmondo est un de mes acteurs préférés, avec lequel j’ai grandi en tant que spectateur. Dans « LE DERNIER MERCENAIRE », je n’ai pas voulu l’imiter, (je n’ai pas son talent d’acteur), mais j’ai tenté de m’en inspirer, notamment dans les scènes qui paraissent sérieuses alors que c’est en fait de la pure comédie ! En cela, le scénario était vraiment très bien écrit… DAVID CHARHON en est l’auteur avec ISMAEL SY. 

 

C’est encore un jeune réalisateur ? Vous qui avez tourné dans une soixantaine de films avec notamment John Woo, Roland Emerich, Peter Hyams, Tsui Hark et d’autres. De quelle manière choisissez-vous les cinéastes avec lesquels vous voulez tourner aujourd’hui et de quelle manière vous êtes-vous senti sur le plateau de David ? 

Tout s’est joué très tôt puisque ce projet a mis près de 2 ans à se concrétiser entre l’écriture et le tournage. Avec David nous avons beaucoup discuté du script. Je préfère qu’un réalisateur m’explique lui-même son histoire avant même de lire son scénario : cela me permet de visualiser les scènes... Les choses ont été claires dès le départ entre David et moi et pourtant, il pourrait vous le dire, je ne suis pas un garçon facile à vivre ! David a énormément travaillé sur ce film, avant et pendant. Je sais que ça a été très fatigant pour lui mais il a toujours été présent, patient, positif. De mon côté, je peux être assez obsessionnel, dans le sens perfectionniste et je n’étais pas toujours satisfait de ma façon de dire les dialogues par exemple... David m’a mis à l’aise sur cette question aussi et m’a permis de faire ou refaire les scènes de plusieurs manières différentes, ce qui au montage lui a été très utile. 

 

Vous avez en tête l’exemple d’un de ces moments compliqués justement ?

Oui, il y a une scène où je suis face à la bande de jeunes avec laquelle mon personnage fait équipe et le ton monte entre nous, jusqu’à une vraie dispute... Je me suis donc lancé là-dedans à fond, d’une manière vraiment réelle notamment face à SAMIR DECAZZA qui joue mon fils ARCHI... Au bout d’un moment, j’ai eu des scrupules : je ne me voyais pas me mettre à hurler sur lui et les autres, sachant que ça pouvait être assez violent, vu que je prends tout très à cœur ! David m’a dit que je pouvais y aller, qu’il s’agissait d’un film et croyez-moi , j’y suis allé franchement ! Je crois que le résultat est très sincère, je n’ai rien fabriqué mais ensuite je me se suis senti mal d’avoir parlé ainsi à Samir... Quant à moi, je suis allé puiser dansdes moments difficiles de ma vie ou de mes relations aux autres pour atteindre cet état de colère et je dois dire que ça a plutôt bien fonctionné ! Puisque vous parlez de vos rapports avec les jeunes acteurs du film, un mot de la transmission ou de la filiation qui sont deux des thèmes du « DERNIER MERCENAIRE ». 

 

Vous qui avez aujourd’hui 60 ans, est-ce une problématique importante, notamment quand vous vous retrouvez face à une génération qui a grandi avec vos films ?

On voit les choses différemment à 60 ans... Ce projet est arrivé à un moment de ma vie où il m’a été d’une grande aide. Mais attention : je suis très à l’aise dans ma peau de mec sexagénaire ! Il me semble d’ailleurs que je m’en sors encore plutôt pas mal dans les séquences d’action... En ce qui concerne le regard des jeunes acteurs sur ma carrière, c’est assez gênant pour moi. J’ai du mal à accepter les compliments car je suis très exigeant envers moi-même... SAMIR DECAZZA, ASSA SYLLA, ALBAN IVANOV et les autres ont été de vrais partenaires : ils m’ont accueilli dès le premier jour. J’espère que ma réserve ne leur a pas fait penser que je ne voulais pas communiquer avec eux mais j’ai beaucoup de mal à parler de moi, de mon parcours, de mes succès, etc... Même chose avec David : quand il me disait que nous avions fait une bonne semaine de tournage, je lui répondais : « attention, il reste d’autres rounds » ! 

 

Venons-en à votre personnage, Richard Brumère : comment pourriez-vous en parler ?

C’est d’abord un personnage que je n’avais encore jamais joué, avec des aspects intimistes très intéressants, très profonds pour moi. Il me semble que ça va encore plus loin que ce que j’avais pu jouer dans « JCVD » et je suis persuadé que le public sera impressionné... Je l’ai senti sur le tournage, il y avait une énergie incroyable lors de ces moments-là. Brumère est un personnage qui me touche... Comme lui, j’ai vu le temps et les gens passer depuis mes débuts à 25 ans dans les années 80. C’est un rôle qui a remué pas mal de choses en moi... J’interprète un homme qui est constamment actif, toujours dans le moment d’après mais qui, en même temps, a un vrai problème relationnel avec les autres, une difficulté à exprimer ce qu’il ressent et je me retrouve en lui. La famille, les amis ou les amours, c’est parfois lourd à porter au fil des ans... Quand quelqu’un entre dans mon cœur, c’est souvent pour la vie mais j’ai peur d’être déçu sur la longueur ou de décevoir. Brumère, (ou « la Brume » comme on le surnomme), est comme cela lui aussi...

 

 Face à vous, il y a de jeunes comédiens nous en avons parlé mais aussi d’autres plus confirmés comme MIOU MIOU, PATRICK TIMSIT , ERIC JUDOR, ALBAN IVANOV, VALERIE KAPRISKY ou MICHEL CREMADES. Vous les connaissiez avant le tournage ? 

Oui, PATRICK TIMSIT par exemple que j’avais déjà vu dans des films mais vous savez, j’ai grandi et vécu une bonne partie de ma vie aux Etats Unis et je n’ai pas vraiment eu la chancede les suivre dans leur carrière. Mes parents eux les connaissaient... David m’a montré quelques-uns de leurs films précédents : Patrick à une vraie gueule de cinéma, Alban est un garçon extrêmement relax et Miou Miou est toujours aussi séduisante... Tous sont en tout cas de grands pros. Avec Patrick par exemple, nous avons une vraie scène de combat et j’ai voulu le mettre à l’aise ! Comme les autres, il avait en tête mes films précédents avec pas mal de coups de poing ou de coups de pied façon VAN DAMME... C’est lui d’ailleurs qui a tenu à jouer cette séquence face à moi et il était très heureux d’avoir l’occasion de me mettre une trempe : ça m’est peu arrivé en 60 films ! Je lui ai donc montré comment on tourne ce genre de scène, comme dans une chorégraphie où l’on danse avec son partenaire... Tout cela est très précis, il faut prendre son temps. Je connais ça par cœur ! Patrick s’est vraiment impliqué et je suis resté à son écoute pour le rassurer, le guider... Je sais que j’ai cette faculté de me mettre au niveau de mes partenaires : ça m’a pas mal servi, notamment sur « EXPENDABLES » avec Stallone, Schwarzenegger et les autres : je peux vous dire qu’il y avait pas mal d’ego et de testostérone sur le plateau ! C’est mon côté pâte à modeler : je m’adapte aux situations et aux gens... 

 

Vous avez toujours autant de plaisir à jouer ces scènes d’action qui ont fait votre réputation, le fameux style VAN DAMME qui a marqué et influence encore plusieurs générations ? 

Vous savez, je fais du sport depuis que je suis enfant... Désormais, mon corps est plus raide, j’ai eu des blessures, des accidents au fil des années et des films. Il y a comme une usure même si je connais ça par cœur. Quand j’arrive sur un plateau pour tourner ce genre de séquence, je sais exactement comment procéder. En fait, je répète chaque mouvement à l’envers, de la fin vers le début ! Cela me permets de décomposer chaque mouvement, comme des pas de danse, de repérer l’environnement où je dois évoluer, d’anticiper la réaction physique de vos partenaires... Le secret, c’est de prendre son temps : une bonne scène d’action donnera l’impression de la rapidité grâce au montage. Le tournage doit au contraire être extrêmement méticuleux et nous avons eu la possibilité de le faire sur « LE DERNIER MERCENAIRE ». C’est un film où il y a de la bagarre, des arts martiaux, des poursuites en voiture, le tout traité de manière très réaliste par DAVID CHARHON. « LE DERNIER MERCENAIRE » surfe aussi sur un esprit très « Années 80 », assez nostalgique. 

 

Est-ce une période à laquelle vous pensez vous-même avec nostalgie ? 

Oui, énormément... C’était une époque formidable. Vous savez, il ne faut pas oublier que mon père était fleuriste et avant cela libraire. J’ai donc grandi en lisant des comic-books, comme « Tintin » ou « Rahan », qui m’ont aidé à me changer les idées... A l’école, je n’étais pas un costaud mais plutôt le » petit canard noir », enfermé dans ma bulle de silence, mes rêves, à l’écart des autres. Nous allions au cinéma avec mon père à Bruxelles, rue Haute ou à la Bourse, voir les derniers Delon, les Belmondo... C’est lui qui m’a également fait découvrir desfilms plus anciens comme « Lawrence d’Arabie ». Donc oui, cette période est remplie de nostalgie pour moi et en matière de cinéma, j’ai le souvenir d’histoires vraiment bien écrites, filmées avec soin. Maintenant à Hollywood, on met ça en boite rapidement, efficacement, avec des effets spéciaux numériques, sans se poser trop de questions... L’époque actuelle très compliquée passe aussi par le développement accéléré des plateformes, au 1 er rang desquelles NETFLIX qui produit et diffuse « Le DERNIER MERCENAIRE ». 

 

Quel regard jetez-vous sur cette évolution de l’industrie du cinéma ?

En 2001, je parlais déjà de la possibilité dans un futur proche de regarder des films autrement, jusque sur nos téléphones. On me prenait pour un « zozo » mais nous y sommes ! Je pense qu’il y aura toujours de la place pour les films sur grand écran mais réservés à des projections exceptionnelles ou sur une courte durée d’exploitation. Au bout de quelques jours, ces films seront basculés sur les plateformes et diffusés partout dans le monde en même temps... Le temps de la distribution classique des films me parait toucher à sa fin. L’ère de NETFLIX représente le futur du cinéma car elle donne accès facilement et à tout moment au cinéma. C’est un mouvement inéluctable auquel l’industrie doit s’adapter rapidement. Le film de David peut sans doute toucher 100 ou 200 millions de spectateurs d’un bout à l’autre de la planète simultanément ! Je repense à mes débuts, au temps des VHS, où les familles devaient aller louer une K7 pour se faire une soirée Van Damme, Stallone ou Schwarzenegger. Il fallait la rendre le lundi sous peine de majoration du prix... C’est terminé tout cela ! Ensuite, d’un point de vue pratique, ça ne change rien sur le plateau : je suis toujours face à une caméra pour tourner... C’est juste qu’elle me donne accès au monde entier et que j’ai encore moins droit à l’erreur !

 

LE DERNIER MERCENAIRE le 30 juillet sur NETFLIX 

 

Propos recueillis par NETFLIX PRESSE